À Dax, le Village landais Alzheimer propose une prise en charge unique en France pour 120 personnes victimes de cette maladie neurodégénérative. Un projet novateur mis en lumière par le dossier En quête de demain.Quand tant de villages se meurent en France, en voilà un dont les premiers mois d’activité ont attisé la curiosité du monde entier. Ouvert à ses premiers villageois le 11 juin 2020, à Dax, le Village landais Alzheimer se veut une réelle espérance par rapport à la prise en charge de personnes victimes de cette maladie neurodégénérative.
Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ephad), porté par le Conseil départemental des Landes en héritage d’une volonté d’Henri Emmanuelli – son ancien président décédé en 2017 – le site de 5 hectares se double d’un lieu ressource pour la recherche. Un comité scientifique, constitué autour du professeur Jean-François Dartigues, s’est en effet donné cinq ans d’observations et de recherches pour prouver par l’exemple les bienfaits de la méthode appliquée sur les villageois, leurs familles autant que sur les équipes de soignants.
Même si le premier bilan humain effectué auprès des familles et des équipes nous donne satisfaction, l’objectif est maintenant d’arriver à montrer que ce modèle est déclinable, qu’il existe des solutions innovantes qui permettent une amélioration de la qualité de vie de ces personnes, relève Marie Richard, directrice du groupement d’intérêt public fondé pour gérer l’établissement.
Dans ce village des souvenirs retrouvés, il est ainsi question de lien social bien plus que d’isolement, de liberté plutôt que de béquilles thérapeutiques. Grâce à des moyens humains qui doivent permettre aux 120 villageois de bénéficier de l’aide de 120 professionnels de santé et d’un nombre équivalent de bénévoles, c’estune vie normale qui leur est ici proposée. Inspiré d’un établissement né à Weesp, une commune des Pays-Bas, le Village landais Alzheimer a pris les allures d’une bastide gasconne aux portes de l’agglomération dacquoise.
Sous les arcades de la place centrale, la salle de gym côtoie le salon de coiffure. La brasserie affiche une affluence à rendre jaloux tout bistrotier de campagne. Dans une salle baignée de lumière, d’aucuns ont entamé une belote à une table. D’autres papotent autour d’un café ou d’une tasse de chocolat chaud. Ce matin, Pierre s’amuse à compter en Basque. L’octogénaire se souvient de la langue qu’il parlait, enfant, à Saint-Jean-Pied-de-Port, avant de voyager six ans aux Amériques.
Aux abords de l’épicerie voisine, des mots de « patois », ailleurs appelée langue gasconne, se mélangent dans les conversations comme naguère au marché au gras de Peyrehorade. S’il ne saurait être question d’argent, les villageois viennent ici faire leurs courses afin de compléter des repas préparés par les trois cuisiniers de l’établissement. Le journal « Sud Ouest » est disponible, le pain frais du matin. Légumes et produits laitiers quittent les étals pour les paniers. La bienveillance d’un accompagnateur permet de remédier à un oubli.
Cette mobilisation d’une mémoire qui s’efface s’applique tout autant au sein de la médiathèque installée à l’angle de la place. Pas plus tard que la veille, c’est d’outils anciens et des métiers agricoles qu’ont pu causer quelques-uns des villageois. Sur les rayonnages, la lecture des titres permet de comprendre que les lieux sont amenés à s’ouvrir aux visiteurs et aux générations les plus jeunes. Il devrait en être de même pour les buttes permacoles du potager, mis en culture pour la première fois en ce printemps 2021 avec pour ambition d’y investir les enfants des écoles voisines.
On va couper par les pelouses, on ne nous interdit pas de marcher dessus, s’amuse Marie Christiane. À 84 ans, elle trotte comme une adolescente entre les allées qui filent de la bastide vers l’un des quatre quartiers du village. Après une vie urbaine passée à Lyon, elle a écouté sa fille et emménagé dans l’établissement landais. Elle n’aurait «jamais imaginé avoir pour voisins des ânes, Junon et Jasmine, et des poissons. Autour d’un étang, les bois de grands arbres montrent que leur âge se rapproche de celui des villageois.
Symbole de ce quotidien dans la douceur, deux chats, prénommés Vanille et Praline, déambulent sans entrave d’une maison à l’autre. Au nombre de quatre par quartier, chacune d’entre elles fait 300 mètres carrés de surface. Soutenus de deux maîtres de maison, les sept ou huit occupants vaquent à leurs occupations. La cuisine donne sur une pièce à vivre. L’entrée de chaque chambre est personnalisée par son occupant. Dans une niche, chaque villageois a déposé un objet qui lui est cher. Celui qui lui permet de retrouver son intimité quand son âme s’en va en balade.
Source "journal.ouest-france.fr" : https://www.ouest-france.fr/medias/ouest-france/e-dossier/transition-ecologique-en-quete-de-demain/alzheimer-a-dax-un-village-landais-dedie-a-la-maladie-8b081f90-a2b9-11eb-b336-7dcbaea5702a